TVA : la contrepartie ne consiste pas ou ne consiste pas uniquement en une somme d’argent

Regardons de plus près les règles TVA applicables concernant la base imposable lorsque la contrepartie ne consiste pas ou ne consiste pas uniquement en une somme d’argent.

TVA : la contrepartie ne consiste pas ou ne consiste pas uniquement en une somme d’argent

1.Principes

1.1.      La base imposable est la valeur normale

1.1.1.         Notion

Si la contrepartie ne consiste pas ou ne consiste pas uniquement en une somme d’argent, la TVA doit être calculée sur la valeur normale de la contrepartie. A ce sujet, il ne faut pas perdre de vue que pour certains biens (les bâtiments neufs) et certaines prestations de services (les travaux immobiliers relatifs à des bâtiments à ériger) une base d’imposition minimale a été instaurée (voir 4 Base minimale d’imposition).

La définition de la valeur normale a été amendée par la Loi-programme du 27 décembre 20061 qui a modifié l’article 32 CTVA comme suit : Par valeur normale, on entend le montant total qu’un preneur, se trouvant au stade de commercialisation auquel est effectuée la livraison de biens ou la prestation de services, devrait payer, dans des conditions de pleine concurrence, à un fournisseur ou prestataire indépendant à l’intérieur du pays dans lequel la transaction est imposée, pour se procurer à ce moment les biens ou les services en question.

Lorsqu’il n’est pas possible d’établir une transaction comparable, la valeur normale d’une livraison de biens ne peut être inférieure au prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, au prix de revient, déterminés au moment où s’effectue cette livraison, et, lorsqu’il s’agit d’une prestation de services, au montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de cette prestation.

Cette valeur normale est ramenée au prix d’achat (ou au prix de revient lorsqu’il n’y a pas de prix d’achat) dans les cas suivants :

– la remise d’un bien effectué à titre de prêt de consommation et la restitution faite en exécution d’un tel prêt (article 10, § 3 CTVA) ;

– le prélèvement par un assujetti d’un bien meuble de son entreprise pour ses besoins privés ou pour les besoins privés de son personnel et, plus généralement, à des fins étrangères à son activité économique, lorsque ce bien ou les éléments qui le composent ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe (article 12, § 1, 1° CTVA) ;

– le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour le transmettre à titre gratuit, lorsque ce bien ou les éléments qui le composent ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe ; ne sont toutefois pas visés les prélèvements effectués pour remettre des échantillons commerciaux ou des cadeaux commerciaux de faible valeur – moins de 12,5 EUR (jusqu’au 31 décembre 2001 : 500 BEF ou 12,39 EUR) hors TVA (article 12, § 1, 2° CTVA) ;

– l’utilisation par un assujetti, comme bien d’investissement, d’un bien qu’il a construit, fait construire, fabriqué, fait fabriquer, acquis ou importé autrement que comme bien d’investissement ou pour lequel, avec application de la taxe, des droits réels au sens de l’article 9, alinéa 2, 2°, ont été constitués à son profit ou lui ont été cédés ou rétrocédés, lorsque ce bien ou les éléments qui le composent ont ouvert droit à la déduction complète ou partielle de la taxe (article 12, § 1, 3° CTVA) ;

– l’utilisation par un assujetti, pour effectuer des opérations ne permettant pas la déduction complète de la taxe, d’un bien meuble, autre qu’un bien d’investissement, qu’il a fabriqué et dont les éléments constitutifs ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe (article 12, § 1, 4° CTVA) ;

– la détention d’un bien par un assujetti ou par ses ayants droit en cas de cessation de son activité économique, lorsque ce bien ou les éléments qui le composent ont ouvert droit à la déduction complète ou partielle de la taxe ; cette disposition ne s’applique pas en cas de continuation par les ayants droit de l’activité d’assujetti dans les conditions de l’article 11 (article 12, § 1, 5° CTVA) ;

– le prélèvement par un assujetti visé à l’article 12, § 2 CTVA d’un bâtiment neuf2 ;

– l’exécution par un assujetti d’un travail immobilier pour les besoins de son activité économique, à l’exception :

1. des travaux de construction d’un bâtiment effectués par un assujetti visé à l’article 12, § 2 CTVA ;

2. des travaux de réparation, d’entretien ou de nettoyage, lorsque l’exécution de tels travaux par un autre assujetti ouvrirait droit à la déduction complète de la taxe.

La base d’imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services est toutefois constituée par la valeur normale telle que cette valeur est déterminée conformément à l’article 32 CTVA lorsque :

1. la contrepartie est inférieure à la valeur normale ;

2. le bénéficiaire de la livraison de biens ou de la prestation de services n’a pas le droit de déduire entièrement la taxe due ;

3. le bénéficiaire est lié avec le fournisseur de biens ou le prestataire de services :

– en raison d’un contrat d’emploi ou de travail, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;

– en tant qu’associé, membre ou dirigeant de la société ou de la personne morale, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré3.

Dans une affaire portée devant le tribunal de première instance de Bruges, cette notion de « lien » a été appliquée. La propriétaire d’une voiture de tourisme « oldtimer » avait fait effectuer des réparations coûteuses sur la voiture, après quoi elle a loué la voiture à un chauffeur de la vendeuse pour un prix nettement inférieur à la valeur du marché. Pour le calcul de la base d’imposition, l’Administration de la TVA a pris en compte les dépenses de réparation et de restauration, réparties sur une période de 5 ans, qui représente la période de régularisation. A juste titre son le tribunal (Trib. Bruges, 3 décembre 2018, rôle 17/2932/A).

La Cour européenne s’oppose en tout cas à une disposition nationale en vertu de laquelle, lorsque la contrepartie d’une opération est entièrement constituée de biens ou de services, la base d’imposition de l’opération est la valeur normale des biens ou des services fournis4.

En ce qui concerne la valeur normale pour la location de biens immeubles, il est renvoyé au 4.6 Valeur normale en cas de loyers soumis à la TVA à partir du 1er janvier 2019 ci-après.

Selon la Cour de Cassation, le concept de valeur normale existant dans la législation belge est en conformité avec celui de la Directive TVA. La base d’imposition pour les livraisons de biens et les prestations de service à titre onéreux est constituée par ce qui constitue la contrepartie obtenue réellement par le contribuable qui, en principe, est exprimée en une somme d’argent ; cette contrepartie constitue donc une valeur subjective, c’est-à-dire la valeur réellement perçue et pas une valeur estimée selon des critères objectifs ; dans les cas où il est impossible de déterminer la valeur réelle, la Sixième Directive n’exclut pas que la valeur normale soit prise comme base5.

Avant le 27 décembre 2015, la fourniture d’un tel service par un assujetti à partir d’un établissement situé en dehors de la Belgique, pour les besoins d’un de ses établissements qui est membre d’une unité TVA en Belgique, était assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux sur base de l’article 19bis CTVA.

Pour cette opération, la base d’imposition était alors constituée par la valeur normale de la prestation de services telle que cette valeur est déterminée conformément à l’article 32 CTVA. La Loi du 6 décembre 2015 porte abrogation de l’article 19bis Code TVA.

Cette loi abroge aussi la référence à l’article 19bis dans l’article 33, § 1, 3° CTVA à la même date (Moniteur belge, 17 décembre 2015).

1

MB, 28 décembre 2006.

2

Cf. Décision n° E.T. 41.605 du 27 février 1992, Revue TVA, n° 100, 782 et Q. n° 758 de M. de Clippele du 21 octobre 1993 ; Bull. des Q. et R. Parl, Chambre, session 1992-1993, n° 87.

3

Article 33, § 2 CTVA tel qu’applicable à partir du 1er janvier 2007.

4

Voir CJUE, 7 mars 2013, affaire C-19/12, arrêt Efir OOD.

5

Cass., 14 janvier 2010, rôle n° F.08.0064.N.

1.1.2.         Application – Valeur normale en cas d’échange d’immeubles

La Cour d’appel de Gand a pris une décision révolutionnaire dans un arrêt ayant trait à la détermination de la valeur normale en cas d’échange d’immeubles1.

1

Appel Gand, 1 décembre 2015, rôle n° 2014/AR/1472.

Les faits

Un assujetti exécute trois projets immobiliers (trois résidences) pour lesquels un échange a systématiquement lieu avec les propriétaires des terrains induisant une mutation entre chaque terrain et chaque appartement à l’état fini.

La détermination de la base imposable n’a pas tenu compte d’un montant relatif à la faculté de construire ni du droit de superficie. Cette base imposable a été calculée à une valeur inférieure au prix de la construction des appartements vendus.

Selon l’Administration, la faculté de construire ou le droit de superficie représente une partie de la contrepartie des travaux effectués par le promoteur immobilier de sorte que la TVA doit être calculée aussi sur cette valeur en vertu de l’article 33, § 3 CTVA.

Dispositions légales applicables

Selon l’Administration, l’échange est un contrat par lequel les parties se donnent réciproquement une chose en contrepartie d’une autre chose, en d’autres termes, c’est un contrat qui comporte deux transmissions réciproques de biens.

Les dispositions légales applicables sont les suivantes :

– Article 26 CTVA : pour les livraisons de biens et les prestations de services, la taxe est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur du bien ou par le prestataire du service de la part de celui à qui le bien ou le service est fourni, ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.

– Article 33, § 3 CTVA : en cas d’échange et, plus généralement, lorsque la contrepartie est une prestation qui ne consiste pas uniquement en une somme d’argent, cette prestation est, pour le calcul de la taxe, comptée à sa valeur normale.

– Article 32 CTVA : par valeur normale, on entend le montant total qu’un preneur, se trouvant au stade de commercialisation auquel est effectuée la livraison de biens ou la prestation de services, devrait payer, dans des conditions de pleine concurrence, à un fournisseur ou prestataire indépendant à l’intérieur du pays dans lequel la transaction est imposée, pour se procurer à ce moment les biens ou les services en question.

Lorsqu’il n’est pas possible d’établir une transaction comparable, la valeur normale d’une livraison de biens ne peut être inférieure au prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, au prix de revient, déterminés au moment où s’effectue cette livraison, et, lorsqu’il s’agit d’une prestation de services, au montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de cette prestation.

Il en résulte que que la valeur normale correspond soit au prix d’achat soit au prix de revient. Toutefois, l’article 36 CTVA prévoit que la base d’imposition ne peut être inferieure à la valeur normale, telle qu’elle est déterminée par l’article 32, alinéa 1, en ce qui concerne :

1. les biens visés à l’article 1er, § 9 CTVA, cédés avec application de la taxe ;

2. les prestations de services ayant pour objet des travaux immobiliers, lorsqu’elles portent sur des bâtiments à ériger.

Par biens visés à l’article 1er, § 9 CTVA, il faut entendre toute construction incorporée au sol et le terrain sur lequel il est permis de bâtir et qui est cédé par la même personne, en même temps que le bâtiment et attenant à celui-ci.

La décision de la Cour d’appel de Gand

Il y a lieu de constater que le contrat d’entreprise n’est pas seulement rémunéré par une somme d’argent mais que les terrains échangés représentent une plus-value importante pour l’entrepreneur. Dans ces conditions, celui-ci est à même avec les copropriétaires initiaux de construire des appartements dans une nouvelle résidence. Dès lors, l’article 33, § 3 CTVA trouve à a s’appliquer.

La disjonction entre un premier contrat par lequel un droit de superficie est concédé et le second contrat, à savoir un contrat d’entreprise, apparait comme artificielle à l’appréciation de la Cour de d’appel de Gand.

Selon cette dernière, il est difficile de ne pas s’apercevoir que les copropriétaires des bâtiments existants n’auraient jamais signé le premier contrat sans que celui-ci soit lié au second. Ce serait un non-sens.

L’Administration a donc repris à bon droit le droit de superficie, concédé en vue de permettre la construction des parties privatives, dans la base imposable laquelle doit correspondre au prix de revient.

La valeur normale du droit de superficie concédé par les propriétaires au promoteur immobilier correspond à une fraction de la différence entre le prix de vente des parties privatives et leur coût d’érection.

Un certain nombre de mètres carrés de terrain a été fixé sur base desquels le droit de superficie a été concédé (différence entre la superficie initiale et la superficie restante après la réalisation du projet). La valeur normale du droit de superficie a ensuite été calculée sur la base de la surface ayant trait au droit et la différence entre le prix de vente et le prix de revient des constructions.

Selon la Cour, le prix de vente des appartements constitue un paramètre pertinent pour déterminer la valeur normale du droit de superficie tandis qu’il est sans importance que ce prix contienne une marge bénéficiaire. D’un promoteur, il ne peut être attendu qu’un comportement professionnel dès le début du projet et qu’il maitrise l’étendue de son profit, ce qui est essentiel dans la détermination de la valeur normale du droit de superficie.

Le redressement de TVA doit être opéré dans le chef de l’entrepreneur-promoteur immobilier, non pas dans le chef des copropriétaires initiaux. Comme la valeur normale ne peut être déterminée que sur la base des données de ce dernier, une procédure d’expertise n’a aucun sens.

Conclusion

En cas d’échange de bâtiments neufs, il y a lieu d’acquitter la TVA sur une base minimale d’imposition (la valeur normale) qui doit comprendre non seulement le prix de la construction mais aussi la valeur du droit de superficie concédé.

1.1.3.         Application dans la Décision anticipée 2018.0184 - Plan cafétéria

Dans une décision anticipée, le SDA examine à la loupe un nouveau système pour la rémunération des employés1.

Une entreprise souhaite adapter la composition de la rémunération globale aux besoins personnels de chaque employé en attribuant une partie de la rémunération sous la forme de « points ».

Ces points peuvent être utilisés sous différentes options : une voiture louée sans carte carburant, une voiture de leasing de catégorie supérieure, un abonnement de transport en commun, un abonnement annuel au parking de la SNCB, des jours de congé supplémentaire ou de l’argent.

Le plan de rémunération comprend deux volets :

– le « financement » : la comptabilisation des points par inscription sur un compte de points prévu à cet effet ;

– l’utilisation qui s’effectue en deux étapes :

– l’attribution des points par l’employé, en fonction du choix de l’utilisation des points pour un ou plusieurs avantages ;

– la conversion, c’est-à-dire la fourniture ou le paiement effectif de la prestation choisie, qui doit généralement avoir lieu au plus tard le 31 décembre de l’année suivant l’attribution.

S’agit-il d’une opération imposable soumise à la TVA ?

– le « financement » des points est en dehors du champ d’application de la TVA ;

– l’utilisation ou la conversion des points obtenus : lorsque les biens et / ou services choisis entrent dans le champ d’application de la TVA, ils sont soumis au régime de TVA applicable à chacun de ces avantages au moment où les biens et / ou services sont effectivement mis à la disposition du salarié..

Lors de la fixation de la base d’imposition entre le travailleur et l’employeur, il faudra tenir compte de la « valeur normale » des biens ou services fournis, comme le détermine le Code de la TVA (article 33, § 2 du Code).

Par dérogation à l’article 26 CTVA, la base d’imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services est constituée par la valeur normale telle que cette valeur est déterminée conformément à l’article 32 CTVA lorsque :

1° la contrepartie est inférieure à la valeur normale ;

2° le bénéficiaire de la livraison de biens ou de la prestation de services n’a pas le droit de déduire entièrement la taxe due ;

3° le bénéficiaire est lié avec le fournisseur de biens ou le prestataire de services :

– en raison d’un contrat d’emploi ou de travail, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;

– en tant qu’associé, membre ou dirigeant de la société ou de la personne morale, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré.

Dans un tel cas, le montant des points convertis par le salarié sera considéré comme un montant TVA comprise.

Ce montant ne correspond pas nécessairement au montant payé par l’employeur pour obtenir les biens ou services concernés.

Si l’employeur n’est pas un assujetti mixte ou partiel et exerce son droit de déduction selon les règles générales, un droit complet à la déduction de la taxe en amont peut être exercé dans la mesure où la transaction entre dans le champ d’application de la TVA, sans exclusion spécifique en matière de déduction.

D’autres décisions anticipées vont dans le même sens 2.

1

Décision anticipée 2018.0184 du 27.03.2018 ; ©SPF Finances, www.fisconetplus.be – voir aussi décision anticipée n° 2018.0562 du 10.07.2018 ©SPF Finances, www.fisconetplus.be.

2

Décisions anticipées n° 2020.0061 du10.03.2020 ; n°. 2019.1176 du 10.03.2020 et n° 2019.du 11.02.2020; ©SPF Finances, www.fisconetplus.be.

1.1.4.         Rénovation d’un bâtiment par le locataire sans paiement d’un loyer

La Cour d’appel d’Anvers a fait une application exemplaire de l’arrêt Serebryannay de la CJUE1.

Il s’agissait du cas d’un propriétaire qui loue un immeuble dans lequel le locataire exploite un restaurant. D’importants travaux de rénovation ont été effectués par le locataire au bâtiment, le locataire ayant obtenu de ne pas payer de loyers durant les années 2009 à 2011.

Ce locataire a bien entendu le droit de déduire la TVA afférente aux travaux de rénovation entrepris2.

En prévoyant l’abandon de loyers à concurrence des travaux, le locataire est-il réputé avoir effectué ces travaux pour le compte du bailleur?

La base imposable correspond-elle aux loyers non acquittés?

La Cour d’appel d’Anvers renvoie à l’arrêt Serebryannay de la CJUE (affaire C-283/12) du 26 september 2013, point 39 qui prévoit que les contrats d’échange, dans lesquels la contrepartie est par définition en nature, et les opérations pour lesquelles la contrepartie est monétaire sont, du point de vue économique et commercial, deux situations identiques.

La possibilité de qualifier une opération d’opération à titre onéreux suppose uniquement l’existence d’un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti. Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire.

La Cour d’appel confirme le jugement rendu en première instance le 14 octobre 2015 : il existe un lien direct entre le non-paiement des loyers et les travaux de rénovation effectués.

Les arguments de l’appelante sont rejetés pour les raisons suivantes :

– L’existence du lien direct n’est pas remise en cause par le fait qu’il n’a pas été rédigé de convention écrite par laquelle le locataire s’engageait à effectuer les travaux de rénovation.

– Il n’est pas démontré que les travaux n’auraient aucune importance pour le bailleur et ne lui seraient pas profitables.

– De la clause stipulant qu’à la fin du bail une indemnité peut être déterminée en faveur du locataire pour les travaux non supprimables, il ne peut être déduit que les travaux ne seraient pas avantageux pour le bailleur, puisque le lien direct doit être évalué à l’époque où les travaux en question ont été réalisées.

En conséquence, le locataire aurait dû facturer avec application de la TVA et le bailleur ne peut pas déduire la TVA3.

Conformément aux arrêts précités, ce régime a été entièrement adapté par la circulaire 2019/C/22 du 13 mars 2019 4.

1

CJUE, 26 septembre 2013, affaire C-283/12, arrêt Arrêt Serebryannay.

2

Voir Décision n° E.T. 9.284 du 27 janvier 1972, Revue TVA n° 6, p. 200 et 201.

3

Appel Anvers, 31 octobre 2017, rôle n° 2016/AR/340.

4

Voir Circulaire 2019/C/22 du 13.03.2019 ; ©SPF Finances, www.fisconetplus.be, 15.03.2019.

1.1.5.         Valeur normale en cas de loyers soumis à la TVA à partir du 1er janvier 2019

L’article 33 du Code est complété par un paragraphe nouveau (2bis) réédigé comme suit :

« Par dérogation à l’article 26, la base d’imposition de la location visée à l’article 44, § 3, 2°, d), est constituée par la valeur normale telle que cette valeur est determinee conformement à l’article 32 lorsque:

1° la contrepartie est inferieure à la valeur normale ;

2° le preneur n’a pas le droit de deduire entièrement la taxe due ;

3° le preneur est lié d’une des manières suivantes avec le loueur:

a) en raison d’un contrat d’emploi ou de travail, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;

b) en tant qu’associé, membre ou dirigeant de la société ou de la personne morale, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;

c) en raison d’un lien de contrôle, direct ou indirect, en droit ou en fait ;

d) en raison du fait que la majorité des actifs qu’ils ont investis pour les besoins de leur activité économique appartient directement ou indirectement à la même personne ;

e) en raison du fait qu’ils sont, en droit ou en fait, directement ou indirectement, sous une direction commune ;

f) en raison du fait qu’ils organisent leurs activités totalement ou partiellement en concertation ;

g) en raison du fait qu’ils sont, en droit ou en fait, directement ou indirectement, sous le pouvoir de controle d’une seule personne. » 1 .

Cette législation est entrée en vigueur afin d’éviter que dans certains cas, lorsque les parties sont liées d’une manière ou d’une autre, il y ait une tendance à demander un loyer trop bas afin de minimiser un droit de déduction limité pour le locataire.

Toutefois, la question se pose de savoir comment cette valeur normale doit être calculée.

1

Loi du 14.10.2018, M.B., 25.10.2018.

1.2.      Prix de revient

La notion de prix de revient visé à l’article 33, § 1er, 1° CTVA est à entendre dans le sens défini par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises.

Ce prix s’obtient, dès lors, en ajoutant au prix d’acquisition des matières premières, des matières consommables et des fournitures, les coûts de fabrication directement imputables au bien produit, ainsi que la quote-part des coûts de production qui ne sont qu’indirectement imputables à la fabrication de ce bien, pour autant que ces frais concernent la période normale de fabrication1.

L’Administration de la TVA a admis que pour le calcul de ce prix de revient, il ne soit pas tenu compte du coût des prestations à caractère intellectuel relatives à la conception, au montage et à la mise au point du bien produit2.

Le prix de revient, ainsi défini sera calculé à sa valeur au moment où s’effectuent les opérations visées par la disposition prévue à l’article 33, § 1er, 1° CTVA.

Plus particulièrement lorsque les opérations concernées par cette même disposition portent sur des prélèvements de bâtiments, le prix de revient à prendre en considération correspond en fait au coût que représenteraient les travaux de construction du bâtiment, si ces travaux étaient effectués au moment où se réalise le prélèvement3.

Selon la CJUE, l’article 74 Directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui prévoit que, en cas de cessation de l’activité économique imposable, la base d’imposition de l’opération est la valeur normale des biens existants à la date de cette cessation, à moins que cette valeur ne corresponde en pratique à la valeur résiduelle desdits biens à ladite date et que soit ainsi prise en compte l’évolution de la valeur de ces biens entre la date de leur acquisition et celle de la cessation de l’activité économique imposable4.

1

Article 22 l’AR du 8 octobre 1976.

2

Décision n° E.T. 34.032 du 30 octobre 1979, Revue TVA, n° 43, p. 41.

3

Q. n° 758 de M. de Clippele du 21 octobre 1993 ; Bull. des Q. et R. Parl, Chambre, session 1993-1994, n° 87.

4

CJUE, 8 mai 2013, affaire C-142/12, arrêt Marinov.

1.3.      La base imposable est le montant des dépenses engagées

Les dépenses effectuées par l’assujetti constituent la base d’imposition lors :

– d’une opération assimilée à une prestation de service à titre onéreux visée à l’article 19, § 1, à savoir l’utilisation d’un bien immeuble appartenant à la société à des fins privées de l’assujetti ou de son personnel, ou à d’autres fins que celles de l’activité économique, lorsque le droit à déduction total ou partiel est né pour ce bien ;

– de l’exécution par un assujetti d’un travail immobilier pour ces besoins privés ou pour ceux de son personnel, à titre gratuit ou à des fins étrangères à son activité économique (article 19, § 2, 2° CTVA).

Relevons que lorsque le gérant d’une société effectue lui-même des travaux immobiliers à un bâtiment pour ses besoins privés, la TVA est dur sur le montant des dépenses engagées par la société assujettie, c.-à-d. sur les dépenses qui ont un rapport direct avec le travail presté (achat de matériaux). Dès lors, aucune taxe n’est due sur le travail presté par l’administrateur ou le gérant dans l’hypothèse où ce dernier n’est normalement pas rémunéré par la société pour ce travail. Quant au travail qui est, le cas échéant, presté par des membres du personnel, il fait bien partie des dépenses engagées par la société pour effecteur ces travaux1.

Il est à noter que la Cour de Cassation a conclu qu’il existait une activité économique dans le chef d’un particulier qui effectuait lui-même des travaux immobiliers à un immeuble qu’il donnait en location2.

Dans un arrêt, la Cour de Justice des Communautés européenne a conclu qu’aucun prélèvement ne devait être soumis à la taxe dès lors que le bien (un véhicule) avait été acquis sans qu’un droit à déduction ait été réalisé. En ce qui concerne les travaux effectués, ayant ouvert droit à déduction et ayant donné lieu à l’incorporation de pièces détachées, par la suite à ce bien, la base d’imposition doit être déterminée par référence au prix, au moment du prélèvement, des pièces détachées intégrées dans le bien prélevé3.

1

COM TVA 19/786.

2

Cass., 12 décembre 2003, rôle n° C020130F.

3

CJUE, 17 mai 2001, affaires jointes C-322/99 et C-323/99, arrêt Fischer-Brandenstein, Rec., 2001.

2.Echanges et prestations de services bilatérales

2.1 Position traditionnelle de l’Administration

L’échange est un contrat par lequel les deux parties se donnent respectivement une chose pour une autre1. Comme la vente, l’échange induit une double aliénation mais dans l’échange, il y aliénation d’un bien contre un autre bien.

Par prestations de services bilatérales, on entend les contrats innomés où l’une des parties s’engage à prester un service pour l’autre et réciproquement.

Ces deux opérations sont considérées sur le plan TVA comme une double livraison ou prestation, de manière telle que si les deux contractants sont des assujettis à la TVA, les deux livraisons de biens ou prestations de services sont soumises à la TVA.

La base d’imposition est à chaque fois égale à la valeur normale du bien ou du service.

Un exemple chiffré permettra d’illustrer ce qui précède.

Un assujetti effectue pour le compte d’un hôpital, donneur d’ordre, qui lui a remis un bien à façonner une prestation pour un prix de 2.500 EUR augmenté de la valeur des déchets dont le façonnier obtiendra la propriété (valeur normale des déchets : 250 EUR). La TVA due sur le travail exécuté est calculée sur le prix convenu soit 2.500 EUR majoré de la valeur des déchets soit 250 EUR = 2.750 EUR.

Si un supplément en argent doit être payé par l’une ou l’autre partie parce que les deux livraisons de biens ou prestations de services ne sont pas égales, la TVA est due par la partie qui paie le supplément sur la valeur normale diminuée de la somme d’argent payée tandis que l’autre partie (qui perçoit le supplément) devra calculer la TVA sur la valeur normale majorée de la somme payée.

La cour d’appel de Liège a considéré qu’en vertu des articles 18, § 1, alinéa 2, 4° ; 26, alinéa 1, et 32 CTVA, en cas de prestations réciproques, que chacun des deux prestataires devaient facturer à son preneur l’ensemble des services fournis, avec application de la TVA.

Si au lieu de cela, une des entreprises, au moment de facturer ses prestations à l’autre, a déduit du montant à facturer la valeur des prestations accomplies par cette dernière société à son égard et réduit d’autant la base imposable, elle a contrevenu aux dispositions précitées.

Il suffit en effet qu’un service soit fourni moyennant contrepartie, comme c’est le cas en l’espèce, pour que ce service soit soumis à la taxe2.

La base d’imposition pour les livraisons de biens et les prestations de service à titre onéreux est constituée par ce qui constitue la contrepartie obtenue réellement par le contribuable qui, en principe, est exprimée en une somme d’argent ; cette contrepartie constitue donc une valeur subjective, c’est-à-dire la valeur réellement perçue et pas une valeur estimée selon des critères objectifs ; dans les cas où il est impossible de déterminer la valeur réelle, la Sixième Directive n’exclut pas que la valeur normale soit prise comme base3.

1

Article 1702 Code civile.

2

Appel Liège, 11 mars 2005, rôle n° 2000/RG/1269.

3

Cass., 14 januari 2010, rôle n° F.08.0064.N.

2.2. Position de la CJUE

Dans un arrêt remarqué, la CJUE a une vision différente1.

Si la contrepartie d’une prestation de services peut consister en une livraison de biens et en constituer la base d’imposition au sens de l’article 73 Directive TVA lorsqu’il existe un lien direct entre la prestation de services et la livraison de biens, c’est à condition que la valeur de cette dernière puisse être exprimée en argent2.

La base d’imposition doit être fixée selon la valeur subjective et non selon la valeur normale sauf si les parties sont liées au sens de l’article 80, § 1 Directive TVA3.

Ce principe est encore répété par la CJUE dans son arrêt Efir du 7 mars 2013 : « À défaut de consister en une somme d’argent convenue entre les parties, cette valeur, pour être subjective, doit être celle que le bénéficiaire de la prestation de services, qui constitue la contrepartie de la livraison de biens, attribue aux services qu’il entend se procurer et correspondre à la somme qu’il est disposé à dépenser à cette fin »4.

Ceci revient à dire qu’il n’est pas permis, en cas d’échange, de prévoir en toute hypothèse une base imposable égale à la valeur normale.

La raison en est que les contrats d’échange, dans lesquels la contrepartie est par définition en nature, et les opérations pour lesquelles la contrepartie est monétaire sont, du point de vue économique et commercial, deux situations identiques.

La position administrative traditionnelle est donc battue en brèche.

1

CJUE, 19 décembre 2012, affaire C-549/11, arrêt Orfey.

2

CJUE, 3 juillet 2001, affaire C-380/99, arrêt Bertelsmann, Rec., p. I-5163, point 17.

3

CJUE, 19 décembre 2012, affaire C-549/11, arrêt Orfey, point 47.

4

Voir aussi CJUE, 2 juin 1994, affaire C-33/93, arrêt Empire Stores, Rec., p. I-2329, point 19, et Orfey, précité, point 45.

2.3 L’échange standard relatif à des pièces ou à des organes mécaniques de véhicules automobiles

Circulaire n° 119/1972, Revue TVA n° 11, p. 141.

Le propriétaire d’un véhicule automobile charge un garagiste ou un réparateur du placement d’une pièce reconditionnée d’un véhicule et lui cède en même temps la propriété d’une pièce qui est identique à la pièce reconditionnée (p .ex. un moteur).

Dans le cas où les deux contractants sont des assujettis, la TVA est due aussi bien sur la cession de la propriété de la pièce (défectueuse) que sur la livraison et le placement d’une pièce reconditionnée.

A partir du 1er janvier 1973, un régime particulier a été introduit pour l’échange standard relatif à des véhicules autres que des véhicules lourds (camions, autobus, autocars, tracteurs routiers, etc.) lorsque les parties n’ont pas expressément fixé la valeur de reprise de la pièce ou de l’organe usagé.

Par suite de ce régime particulier, le garagiste ou le réparateur facture une somme supplémentaire de 10 % sur le montant à encaisser. Cet ajout de 10 % représente la valeur forfaitaire de la pièce usagée tandis que la TVA ne doit plus être imputée pour la cession de la pièce défectueuse.

Un exemple chiffré facilitera la compréhension de cette matière :

Un garagiste facture 1.000 EUR (ou 40.340 BEF) pour le placement d’un moteur dans un véhicule, tandis que le propriétaire du véhicule lui cède la propriété du moteur défectueux. Les parties n’ont pas établi expressément le prix de cette cession. Le garagiste doit facturer au propriétaire : 1.000 EUR (ou 40.340 BEF) majoré de 10 %, valeur forfaitaire du moteur cédé, soit 100 EUR (ou 4.034 BEF), ce qui donne un total de 1.100 EUR (ou 44.374 BEF).

Les conditions complémentaires suivantes doivent être respectées :

1. le fournisseur de la pièce ou de l’organe reconditionné est tenu de délivrer une facture au propriétaire du véhicule quels que soit le montant de la somme stipulée en espèces et la valeur de la pièce ou de l’organe abandonné en échange ;

2. cette facture indique expressément que l’opération réalisée constitue un ‘échange standard’ tel que visé ci-avant et elle mentionne également les spécifications de la pièce ou de l’organe reconditionné ;

3. de la pièce ou de l’organe repris, le prix hors TVA réclamé au propriétaire du véhicule pour la livraison et/ou le placement et le montant de la TVA imputée.

Ce régime peut également être appliqué pour l’échange standard entre le fournisseur de la pièce reconditionnée et le garagiste ou le réparateur du véhicule.

2.4 Démolition d’un bâtiment et enlèvement des déchets

Circulaire administrative n° 3/1972, Revue TVA n° 7, 217.

Dans le cas où un entrepreneur s’engage à enlever des déchets, résidus, débris, etc., ou à démolir un bâtiment, pour le compte du maître d’ouvrage qui lui concède la propriété des matières enlevées ou des matériaux provenant de la démolition, une distinction doit être effectuée entre :

1. L’entrepreneur réclame une somme d’argent : la TVA devrait en principe être perçue sur la somme payée en argent par le maître d’ouvrage, augmentée de la valeur des matières ou des matériaux cédés. Toutefois, l’Administration admet que la valeur des matériaux soit négligée et que la perception s’effectue uniquement sur le prix en argent. Aucune TVA ne doit être perçue sur la cession de déchets ou de matériaux provenant de la démolition. Cette tolérance ne vaut cependant pas lorsqu’il ressort clairement de la convention conclue entre parties que celles-ci ont reconnu une valeur importante aux matières ou matériaux, en d’autres termes lorsque la somme payée est manifestement inférieure au prix de revient normal du travail effectué par l’entrepreneur.

2. L’entrepreneur ne réclame pas une somme d’argent : dans ce cas, il est certain qu’une valeur [subjective] est reconnue aux matières et matériaux. Par conséquent, la TVA est due sur le prix que le maître d’ouvrage pourrait obtenir pour ces matières et matériaux dans l’état où ils se trouvent avant leur enlèvement ou avant la démolition de la construction. En pratique, l’Administration s’abstiendra de critiquer une perception effectuée sur le prix de revient normal du travail effectué par l’entrepreneur. En ce qui concerne la cession des matières ou des matériaux dans le cas où le maître d’ouvrage est un assujetti, la TVA est due sur la même base d’imposition que celle qui est admise pour les prestations de services effectuées par l’entrepreneur.

3. L’entrepreneur paie une somme d’argent : en ce qui concerne la prestation de services effectuée par l’entrepreneur, la base de perception est égale au prix que l’entrepreneur aurait demandé dans l’hypothèse où il n’aurait pas obtenu la propriété des matériaux ou matières. En ce qui concerne la cession des matières ou des matériaux dans le cas où le maître d’ouvrage est un assujetti, la TVA est perçue sur la base de perception de la prestation de services augmentée de la somme payée par l’entrepreneur.

2.5 Contrats de brasserie

Les tenanciers de café concluent fréquemment avec une brasserie une convention par laquelle, d’une part, ils s’engagent à ne s’approvisionner en boissons qu’auprès de cette brasserie (et, éventuellement, à servir ces boissons selon les instructions de la brasserie, p.ex. dans des verres appropriés) et, d’autre part, la brasserie convient de leur fournir un service (prêt financier ou mise à disposition de matériel et de mobilier de café) ou de leur livrer des biens (plus particulièrement, un équipement de café dont le tenancier deviendra propriétaire s’il observe son engagement durant une période déterminée). Il s’agit d’un contrat comprenant des prestations réciproques. Etant donné que le tenancier de café et la brasserie sont des assujettis avec droit à déduction, la prestation de services fournie par le tenancier de café ainsi que la livraison ou la prestation de services fournie par la brasserie sont soumises à la taxe, à moins que ces livraisons ou prestations ne soient exemptées de la TVA par application de l’article 44 CTVA.

L’engagement du tenancier à s’approvisionner exclusivement auprès de la brasserie s’analyse en l’espèce en une prestation de services visée à l’article 18, § 1 a l. 2, 6° CTVA. Cette prestation est en règle imposable à la taxe sur la valeur normale de la contrepartie accordée par la brasserie (cf. article 32 CTVA). Toutefois, pour des raisons pratiques, l’Administration admet que cette TVA ne soit pas appliquée, dans tous les cas où elle serait entièrement déductible dans le chef de la brasserie.

Ce droit à déduction par la brasserie existe en puissance tant lorsque la contrepartie accordée par cette brasserie consiste en une mise à disposition ou en une livraison d’équipement de café, que lorsqu’elle a pour objet l’octroi d’un prêt financier. En effet, dans cette dernière hypothèse également, l’engagement du tenancier favorise en fait les ventes de boissons par la brasserie et ne doit donc pas être regardé comme lié à une opération – l’octroi d’un crédit – exemptée par l’article 44, § 3, 5° CTVA. Il n’en reste pas moins que la brasserie qui exerce une activité de prêts aux cafetiers se trouve limitée dans tous ses droits à déduction si elle applique la règle du prorata général prévue à l’article 46, § 1 CTVA. Dès lors, les cafetiers ne peuvent s’abstenir de percevoir la TVA que sur les engagements qu’ils prennent à l’égard de brasseries qui opèrent leurs déductions selon la règle de l’affectation réelle prévue par l’article 46, § 2 CTVA.

Etant donné que le tenancier de café ignore en principe les modalités du droit à déduction de la brasserie, celle-ci sera tenue de l’en informer. L’attestation, qui doit être délivrée par la brasserie et par laquelle celle-ci déclare que la TVA qui devrait normalement grever l’engagement pris par le tenancier serait entièrement déductible, permet au tenancier de café de ne pas porter la TVA en compte.

Cette tolérance s’applique aux cafetiers et ne peut être étendue aux brasseries ou aux distributeurs de boissons. Par conséquent, ces derniers doivent toujours soumettre leur contrepartie à la TVA et émettre une facture aux cafetiers lorsque des marchandises sont mises à leur disposition.

Pour ce qui est d’autre part de la prestation de services ou de la livraison qu’effectue la brasserie, la TVA lui est applicable, sous cette réserve que si elle porte sur l’octroi d’un crédit, la prestation de la brasserie est exemptée de la taxe à la faveur de l’article 44, § 3, 5° CTVA. Conformément à l’article 32, la taxe due se calcule sur la valeur normale de l’engagement pris par le tenancier. Toutefois, étant donné que cet engagement est difficilement évaluable, on retiendra comme base d’imposition la valeur normale de la livraison de biens ou de la prestation de services effectuée par la brasserie. Dans l’hypothèse où en contrepartie la brasserie donne en location ou livre du matériel ou du mobilier de café, la base d’imposition correspond au prix que le tenancier devrait débourser si ces biens étaient mis à sa disposition ou lui étaient livrés par un tiers1.

Sous réserve que toutes les conditions soient remplies, cette tolérance n’a pas d’influence sur l’exercice du droit à déduction ni dans le chef du tenancier de café ni dans le chef du fournisseur.

En tant que pièce justificative comptable dans le chef des brasseries ou des négociants en boissons, un document interne peut être établi, se référant à la Décision E.T.96.988 du 22 novembre 2000 et à l’attestation émise par la brasserie au tenancier de café. Ce document interne est uniquement destiné à l’enregistrement comptable de la créance qui naît à l’encontre des tenanciers de café. Aucune TVA ne peut donc être portée en compte sur ce document interne (Q. n° 2548 Luk Van Biesen du 2 février 2019 ; Chambre, Q. & R. Parl., 2018-2019, QRVA 54/184 04.04.2019, p. 184.

Ce qui précède constitue le régime applicable depuis 2001. Le point de vue de l’Administration n’a pas varié depuis lors mais n’a peut-être pas été appliqué de manière uniforme par tous les agents contrôleurs.

L’application de la mesure de simplification ne dispense pas la brasserie ou le négociant en boissons d’émettre une facture relative à la mise à disposition de l’équipement de café et de matériel. Cette exigence reste nécessaire en tant que mesure de contrôle parce qu’il s’agit en général de la livraison (avec transfert différé de propriété) de biens d’investissement qui, dans le chef du tenancier de café, sont éventuellement sujets à révision ou à prélèvement (par ex.: lors du changement ou de la cessation d’activité). En outre, tous les exploitants d’un débit de boissons ou d’un restaurant ne disposent pas d’un droit à déduction intégral.

Vu sous cet angle, la tenue d’un inventaire par la brasserie ou le négociant en boissons ne suffit évidemment pas (Q. n° 2548 Luk Van Biesen du 2 février 2019 ; Chambre, Q. & R. Parl., 2018-2019, QRVA 54/184 04.04.2019, p. 184).

Si le tenancier de café rencontre des difficultés (administratives ou comptables) lors de l’application de la Décision E.T.96.988 du 22 novembre 2000, les règles habituelles relatives à la TVA peuvent évidemment être appliquées, y compris la possibilité de selfbilling (Circulaire AGFisc n°53 du 16 décembre 2013).

1

Décision n° E.T. 96.988 du 22 novembre 2000, Revue TVA, n° 149, p. 25-27, n° 1091.

2.6 Prestations réciproques entre les brasseries et les tenanciers de café

L’Administration a décidé que les principes énoncés dans la décision1 en matière de prestations réciproques entre les brasseries et les tenanciers de café (‘contrats de brasserie’) sont dorénavant applicables également aux conventions conclues entre les négociants et producteurs de café, d’une part, et leurs clients – prestataires de services identifiés à la TVA, d’autre part (restaurants et tenanciers de café, etc.), pour autant que les conventions soient conclues dans les mêmes circonstances que les contrats de brasserie précités et pourvu qu’il soit satisfait à toutes les conditions mentionnées dans la décision précitée2.

1

Décision n° E.T. 96.988 du 22 novembre 2000, Revue TVA, n° 149, p. 25-27, n° 1091.

2

Décision n° E.T. 104.504 du 13 novembre 2003.

2.7 Prestations réciproques – Contrat de démolition

Une affaire a été traitée par la CJUE à cet égard 1.

Dans le cadre de ses activités, l’entreprise « A » fournit, en vertu d’un contrat de démolition, des travaux de démolition à ses clients. Les conditions de ce contrat sont fondées sur les conditions contractuelles générales fixées par l’ensemble des entreprises du secteur de la construction pour les services de construction. En vertu de ce type de contrat, cette société s’engage à démolir les bâtiments d’une vieille usine de son client et à remplir les fonctions d’entreprise principale et d’entreprise responsable des services de chantier et de la direction des travaux. Conformément aux conditions contractuelles générales pour les services de construction, les obligations d’A comprennent également l’évacuation et le traitement adéquats des matériaux à enlever et des déchets.

Une partie des matériaux et des déchets constituent des ferrailles et des déchets tels que ceux visés à l’article 8d de l’AVL, lors de la vente desquels l’obligation fiscale incombe à l’acquéreur. Il s’agit en partie de biens qu’A peut revendre à des entreprises qui rachètent de la ferraille recyclable. A s’efforce d’évaluer à l’avance la quantité de ces biens et le prix auquel elle pourra les revendre et en tient compte pour la fixation du prix dans le cadre de l’établissement d’une offre pour les travaux de démolition, afin que le prix proposé au client pour ces travaux soit le plus concurrentiel possible. Le prix estimé desdits biens n’est cependant pas discuté ou fixé avec le client dans le cadre du contrat de démolition, un prix global étant toujours proposé au client pour les travaux de démolition.

Selon la CJUE :

1° lorsque, en vertu d’un contrat de démolition, le prestataire, à savoir une société de travaux de démolition, est tenu d’effectuer des travaux de démolition et peut, dans la mesure où les déchets de démolition contiennent de la ferraille, revendre cette ferraille, ce contrat comprend une prestation de services à titre onéreux, à savoir la prestation des travaux de démolition, et, en outre, une livraison de biens à titre onéreux, à savoir la livraison de ladite ferraille, si l’acquéreur, à savoir cette société, attribue une valeur à cette livraison, dont il tient compte lors de la fixation du prix proposé pour la prestation des travaux de démolition, ladite livraison n’étant toutefois soumise à la TVA qu’à condition qu’elle soit effectuée par un assujetti agissant en tant que tel ;

2° lorsque, en vertu d’un contrat d’achat pour démontage, l’acquéreur, à savoir une société de travaux de démolition, achète un bien à démonter et s’engage, sous peine d’une amende contractuelle, à démolir ou à démonter et à évacuer ce bien, ainsi qu’à évacuer les déchets dans un délai déterminé dans le contrat, ce contrat comprend une livraison de biens à titre onéreux, à savoir la livraison d’un bien à démonter, cette livraison n’étant soumise à la taxe sur la valeur ajoutée qu’à condition qu’elle soit effectuée par un assujetti agissant en tant que tel, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans la mesure où l’acquéreur est tenu de démolir ou de démonter et d’évacuer ce bien, ainsi que d’évacuer les déchets en résultant, répondant ainsi spécifiquement aux besoins du vendeur, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, ce contrat comprend, en outre, une prestation de services à titre onéreux, à savoir la prestation de travaux de démolition ou de démontage et d’évacuation, si cet acquéreur attribue une valeur à cette prestation dont il tient compte dans le prix qu’il propose, en tant que facteur réduisant le prix d’achat du bien à démonter, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

1

CJUE, affaire C-410/17, 10 janvier 2019, arrêt A Oy.

3. La contrepartie consiste en la cession d’actions, obligations ou autres valeurs mobilières incorporelles

Pour la détermination de la base d’imposition pour des livraisons de biens ou des prestations de services ayant comme contrepartie la cession d’actions, d’obligations ou d’autres biens mobiliers incorporels, il faut tenir compte de la valeur des actions, obligations ou autres valeurs mobilières obtenues.

4. Titre-service

Un titre-service, au sens de l’article 2, 1°, de la Loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’emplois de proximité, est un titre de paiement et, par conséquent, sa vente par l’émetteur à sa valeur faciale ne constitue pas une opération visée par le Code de la TVA et n’est donc pas soumise à cette taxe.

Par contre, une prestation de services dont le paiement s’effectue par la remise d’un ou plusieurs titre-services, entre le champ d’application de la TVA lorsqu’elle est fournie par un assujetti agissant dans le cadre de son activité économique.

Le régime TVA – taxation ou exemption – applicable à une telle prestation, et, en cas de taxation, le taux de TVA applicable, dépendent de la nature du service rendu et, le cas échéant, de la qualité du prestataire qui le rend1.

1

Q. n° 1259 de M. Paque du 17 mars 2003 ; Bull. des Q. et R. Parl., Chambre, session 2002-2003, n° 50-163.

5. Commercialisation des certificats verts, d’énergie thermique ou de cogénération

Afin de satisfaire aux Directives relatives aux sources d’énergie renouvelables imposées par l’Union européenne, la Belgique a opté pour l’introduction d’une norme minimale de sources d’énergie renouvelables, contrôlée via les certificats verts. Dans ce système, une quotité minimale de l’électricité que chaque fournisseur livre aux consommateurs finals doit obligatoirement provenir de sources d’énergie renouvelables. A cet effet, pour assurer le suivi et le respect de cette obligation, les fournisseurs d’électricité sont tenus de présenter un nombre correspondant de certificats verts à l’autorité de régulation et une amende administrative est infligée par certificat manquant.

Les certificats verts sont alloués au producteur par l’autorité de régulation lors de la production d’électricité verte et sont librement négociables. Les producteurs d’électricité peuvent par conséquent atteindre la norme imposée en achetant des certificats verts. Les certificats peuvent également être achetés par des personnes qui ne sont pas tenues par cette obligation. Le commerce de ces certificats verts forme un marché parallèle, indépendant de la vente de l’électricité.

5.1. Régime applicable depuis la Décision n° E.T. 114.454 du 28 octobre 2014

La Décision n° E.T. 114.454 du 28 octobre 2014 apporte de la clarté en matière de production d’électricité et de commercialisation de certificats verts par les consommateurs finaux.

Un jugment du tribunal de 1ère instance de Mons confirme la position administrative précitée1.

Pour calculer la consommation d’électricité, deux types de compteurs peuvent être utilisés : soit un compteur à double sens ou compteur avec compensation, soit un compteur avec deux cadrans ou à double cadran.

De plus, une distinction doit être faite entre, d’une part, le cas où le client (particulier, entreprise, ASBL …) n’exerce pas d’autre activité pour laquelle il est assujetti et, d’autre part, le cas où le client (particulier, entreprise, ASBL …) exerce bien une activité pour laquelle il est assujetti (avec droit à déduction totale ou partielle, ou exempté).

Il en résulte un régime compliqué à multiples options que nous vous proposons de synthétiser sous forme de tableau.

Le client est

Compteur à double sens ou compteur avec compensation

Compteur avec double dispositif de comptage (deux compteurs ou double compteur)

1. non assujetti

La TVA n’est pas exigible sur la fourniture d’électricité et de certificats verts

Installation jusque 10 kVA : TVA non exigible sur la fourniture d’électricité et de certificats verts

Installation > 10 kVA : TVA exigible sur la fourniture d’électricité et de certificats verts

Déduction

Aucun droit à déduction

Déduction sur les dépenses se rapportant aux certificats – déduction partielle sur l’installation (fraction : vente d’électicité/électricité produite)

2. est déjà assujetti pour une autre activité

La TVA est exigible sur la fourniture de certificats verts (application possible du régime de franchise visé à l’article 56bis CTVA)

TVA exigible sur la fourniture d’électricité et de certificats verts (application possible du régime de franchise visé à l’article 56bis CTVA)

Déduction

Déduction sur les dépenses en matière de certificats

Déduction sur les dépenses ayant trait aux certificats à l’installation pour la partie utilisée à usage professionnel

Pour plus de détails, nous renvoyons au texte intégral de la Décision n° E.T. 114.454 du 28 octobre 2014.

1

Trib. Mons, 22 février 2018, rôle 15/3715/A.

5.2 Obtention de certificats verts

Un arrêt de la cour d’appel de Mons traite d’une affaire intéressante.

L’activité de l’assujettie consistait en l’installation de centrales photovoltaïques. Après avoir acquis les panneaux photovoltaïques, elle concluait une convention avec le propriétaire d’une habitation consistant en l’installation d’une centrale photovoltaïque sur le toit de celle-ci. Le propriétaire de la toiture s’engageait à céder à l’assujettie tous les certificats verts que produirait la centrale photovoltaïque durant 10 ans. Selon l’assujettie, il s’agissait d’une prestation globale dont la contrepartie consistait en la cession de certificats verts.

L’administration n’a pas accepté cette qualification. Selon elle, l’opération nommée prestation globale par l’assujettie était une opération au sens de l’article 18, § 1er, alinéa 1er du Code de la TVA et la cession des certificats verts par le propriétaire de la toiture était également une prestation de services visée par cette disposition. Il s’agissait d’un échange de prestations.

La cour d ‘appel valide l’interprétation de l’administration. Il y a lieu d’analyser la relation entre l’assujettie et ses clients comme un échange de prestations de services qui suivent leurs propres règles en matière de détermination du moment du fait générateur et du moment d’exigibilité de la taxe. Les dispositions de l’article 22, § 2 du Code de la TVA ne peuvent donc pas trouver à s’appliquer, en l’espèce, puisqu’il n’y a pas paiement ou décompte mais bien échange de prestations.

La prestation de l’assujettie doit donc suivre la règle générale de l’article 22, § 1er selon laquelle le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la prestation de service est effectuée.

Ce moment ne peut être que celui où la centrale photovoltaïque est effectivement opérationnelle, à savoir au moment où elle peut produire de l’électricité.

Dans la mesure où le fait générateur de la taxe et son exigibilité doivent être déterminés en application des dispositions de l’article 22, § 1er du Code, c’est également à ce moment que doit être établie la base d’imposition de la prestation de l’assujettie.

Conformément à l’article 26 du Code de la TVA, la taxe est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le prestataire du service. En l’espèce, la contrepartie consiste en l’obtention de certificats verts. La cession de certificats verts est une cession de créance, qui est une prestation de services au sens de l’article 18, § 1er, alinéa 2, 7° du Code de la TVA.

Etant donné qu’il est impossible de déterminer quelle sera la valeur globale des certificats verts sur une période de dix ans, il convient de se référer aux dispositions de l’article 32, alinéa 2 du Code de la TVA. En l’occurrence le coût de cette prestation, et donc le montant des dépenses engagées, est facilement quantifiable et ressort de la propre comptabilité de l’assujettie (Appel, Mons, 6 novembre 2018, rôle 2018/RG/393).

5.3 Historique jusqu’à la Décision TVA n° E.T.114.454 du 28 octobre 2014

Dans un premier temps erronément, en ce qui concerne l’application de la TVA, les certificats verts avaient été considérés par l’Administration comme des titres négociables (autres que des actions et des obligations) visés à l’article 44, § 3, 10° CTVA. La cession de certificats verts est par conséquent exemptée de la taxe. Les services relatifs à la garde et à la gestion de ces certificats sont toutefois taxables en vertu de l’exception inscrite à l’article 44, § 3, 10°, précité.

En ce qui concerne la déduction, il y avait lieu d’appliquer la règle de l’affectation réelle conformément à l’article 46, § 2 CTVA précité afin de pouvoir déduire totalement la taxe ayant grevé les biens et services acquis en vue de la production ou de la vente d’électricité. Seule la taxe ayant grevé les frais qui sont entièrement et exclusivement relatifs à la négociation des certificats verts n’était pas déductible.

Les entreprises (banques, sociétés de bourse, sociétés d’investissement, etc.) qui se seraient spécialisées dans l’achat et la vente de certificats verts doivent en revanche être considérées comme des assujettis exemptés pour cette activité. Ces entreprises doivent appliquer les règles de déduction normales, soit de l’article 46, § 1, soit de l’article 46, § 2 CTVA.

Cette matière fait actuellement l’objet de discussions au niveau de l’U.E. Tant qu’une position commune ne se dégage pas de ces discussions, la présente décision reste d’application1.

Notons encore qu’un certificat d’énergie thermique est un bien immatériel transmissible qui établit que l’unité de cogénération qui y est mentionnée a réalisé une économie d’énergie thermique de 1000 kWh au cours de l’année y mentionnée. Les certificats d’énergie thermique sont attribués au propriétaire de l’unité de cogénération et sont librement négociables2.

En ce qui concerne l’application de la TVA, les certificats d’énergie thermique doivent être traités de la même manière que les certificats verts, c’est-à-dire comme des titres négociables visés à l’article 44, § 3, 10° CTVA.

Dans un second temps, après bien des discussions, la commercialisation des certificats verts et des certificats d’énergie thermique est à considérer comme une prestation au sens de l’article 18, § 1, alinéa 2, 7° CTVA à la suite d’un changement tardif de position de l’Administration3.

Effectivement, au terme d’un examen attentif tant des caractéristiques intrinsèques des certificats verts que de la manière dont ils sont traités, sur le plan fiscal, dans les différents pays européens ayant opté pour la mise en place d’un tel système, force est de constater que les certificats verts s’apparentent plutôt à des droits similaires à des droits de licence et qu’il est incorrect d’encore les considérer comme des titres négociables (autres que des actions et des obligations) visés par l’exemption de l’article 44, § 3, 10°, précité.

Ainsi, comme la cession des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (voir Décision n° E.T. 109.133 du 16 mars 2005), la cession des certificats verts est une prestation de services visée à l’article 18, § 1, alinéa 2, 7° CTVA. Cette cession est soumise à la TVA, au taux normal, lorsqu’elle est réputée se situer dans le pays conformément à l’article 21, § 2, ou § 3, 7°, a) CTVA. Aucune exemption n’est applicable en la matière.

Cette nouvelle position est applicable à partir du 1er avril 2008 et rapporte à cette date la Décision n° E.T. 110.775 du 28 février 2006, prédécrite, ainsi que la Décision n° E.T. 110.775/2 du 24 avril 2006, alinéa 2, in fine, relative aux certificats d’énergie thermique ou de cogénération.

La vente de certificats verts par des particuliers qui les ont obtenus lors de la production privée d’électricité verte, échappe à la TVA puisque ces vendeurs n’agissent pas dans le cadre d’une activité économique et ne sont donc pas considérés comme assujettis à la TVA en vertu des articles 2 et 4 CTVA. En revanche, si l’installation du particulier lui permet d’assurer une production dépassant de loin la consommation de son logement, ce particulier aura la qualité d’assujetti puisqu’il vendra le surplus à un fournisseur d’électricité.

Tant la vente d’électricité verte que de certificats verts sera alors soumise à la TVA. Cela sera toutefois sans conséquence puisque le particulier aura, comme le fournisseur d’électricité, le droit de déduire la TVA.

Le particulier peut prétendre à la franchise visée à l’article 56bis CTVA si son chiffre d’affaires découlant de la production d’électricité ne dépasse pas 5.580 EUR par année civile4.

Selon la Commission de Ruling, le taux de 6 % prévu par la rubrique XXXI de l’annexe à l’AR n° 20 n’est pas applicable à l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit d’un bâtiment d’habitation lorsque, dès avant leur installation, il est établi que ces panneaux seront cédés à un tiers dont l’activité économique consiste en la production d’électricité verte. Les panneaux photovoltaïques installés sur le toit d’un bâtiment conservent leur caractère mobilier et ne peuvent dès lors, en tant que tels, être considérés comme des bâtiments pour l’application de la TVA 5.

Dans un arrêt remarqué, la CJUE aborde la question de l’exploitation d’une installation photovoltaïque privée mais reliée au réseau et va considérer qu’une telle exploitation peut ouvrir droit à la déduction de la TVA payée en amont6.

Quels sont les faits?

M. Fuchs, citoyen autrichien, a placé en 2005 une installation photovoltaïque, dépourvue de capacités de stockage, sur le toit de sa maison à usage d’habitation. Il livre la totalité de l’électricité produite, qui est inférieure à ses propres besoins, au réseau, sur la base d’un contrat conclu à durée indéterminée avec la société Ökostrom Solarpartner. Ces livraisons sont rémunérées au prix du marché et soumises à la TVA. M. Fuchs rachète l’électricité nécessaire aux besoins de son foyer à Ökostrom Solarpartner au même prix que celui auquel l’électricité produite par son installation photovoltaïque est livrée au réseau. M. Fuchs a demandé à l’autorité fiscale compétente, le Finanzamt Freistadt Rohrbach Urfahr (Autriche), le remboursement de la TVA dont il s’était acquitté lors de l’acquisition de l’installation photovoltaïque. Le Finanzamt a refusé ce remboursement de la taxe payée en amont au motif que M. Fuchs n’exerçait pas d’activité économique en exploitant son installation photovoltaïque.

La question à résoudre par la CJUE est de savoir si M. Fuchs exerce ou non une activité économique faisant de lui un assujetti avec droit à déduction.

La décision de la CJUE est affirmative.

Elle relève que l’exploitation d’une installation photovoltaïque constitue une « activité économique » si elle est accomplie en vue de retirer des recettes ayant un caractère de permanence. Or, la notion de recettes doit être entendue dans le sens d’une rémunération perçue en contrepartie de l’activité exercée. Il en résulte que, pour considérer que l’exploitation d’un bien est exercée en vue d’en retirer des recettes, il est indifférent que cette exploitation vise ou non à générer des profits.

Dès lors que l’installation située sur le toit de la maison de M. Fuchs produit de l’électricité qui est injectée dans le réseau contre rémunération, celui-ci l’exploite en vue d’en retirer des recettes. De même, les livraisons d’électricité au réseau s’effectuant sur la base d’un contrat à durée indéterminée, ces recettes ont un caractère de permanence. Il est sans importance à cet égard que la quantité d’électricité produite par l’installation soit toujours inférieure à la quantité d’électricité consommée par l’exploitant pour les besoins de son foyer.

Notons qu’en Belgique, le citoyen lambda ne revend pas directement son électricité aux fournisseurs d’énergie. La situation est différente pour ceux qui ont installé des panneaux de manière conséquente. Ceux-là vendent leur électricité et pourraient être intéressé par la déduction.

1

Décision n° E.T. 110.775 du 28 février 2006.

2

Décision n° E.T. 110.775/2 du 24 avril 2006.

3

Décision n° E.T. 113.522 du 26 février 2008.

4

Q. orale n° 4-313 de M. Martens du 22 mai 2008 ; Ann., Sénat, 2007-2008, n° 4-30, p. 71.

5

Décision anticipée n° 900.446 du 27 avril 2010.

6

CJUE, 20 juin 2013, affaire C-219/12, arrêt Fuchs.

6. Cession de la nue propriété

La Décision du 12 novembre 1975, n° E.T. 20.368 a considéré que la nue-propriété d’un bâtiment neuf qui est cédé au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit celle pour laquelle a eu lieu le premier enrôlement au précompte immobilier, est un bien au sens de l’article 9, § 3 CTVA.

Rappelons que la Cour de Cassation considère que l’usufruit est un bien d’investissement dans le chef de son titulaire (cf. droit réel immobilier – autre que le droit de propriété – visé à l’article 6, § 2, alinéa 1 AR n°3) et non dans le chef du titulaire de la nue-propriété.

Dès lors, la révision de la TVA ne saurait être opérée dans le chef du nu-propriétaire puisque seul l’usufruitier a l’usage du bien.

Par conséquent, la cession de la nue-propriété ne donne pas lieu à révision pour autant que l’usufruitier continue à affecter l’immeuble à la réalisation d’opérations taxables1.

1

Cass., 11 octobre 2002.

7. Constitution d’un usufruit

Tout droit réel donnant à son titulaire un pouvoir d’utilisation sur un immeuble est assimilé à un bien corporel (article 15, § 2, sous b) Directive TVA – article 9, alinéa 2, 2° CTVA).

L’option qui consiste à scinder le droit de propriété relatif à un bien immeuble corporel (bâtiment) en deux biens entrant dans le champ d’application de la TVA, à savoir le droit réel d’usufruit et le droit réel de nue-propriété, a pour conséquence qu’ensuite de la cession de l’un de ces deux droits réels, deux biens au sens de la TVA prennent naissance1.

L’autre bien, le droit réel de nue-propriété, n’est ‘provisoirement’ pas affecté à la réalisation d’opérations soumises à la taxe.

La base d’imposition ne peut être inférieure à la valeur normale en ce qui concerne les bâtiments cédés avec application de la taxe (article 36, § 1, a CTVA).

L’article 36, § 1, a CTVA est-il applicable aux livraisons de droits réels visés à l’article 9, alinéa 2, 2° portant sur des immeubles neufs?

Le libellé de l’article 36, § 1, a CTVA ne vise que les ‘cessions de bâtiments’ alors que lorsque les droits réels sont visés par le CTVA, ils le sont toujours explicitement.

Faut-il considérer que les droits réels visés à l’article 9, alinéa 2, 2° sont exclus du champ d’application de l’article 36, § 1, a CTVA, de sorte que la base d’imposition d’une constitution, cession ou rétrocession d’un tel droit peut être inférieure à sa valeur normale?

1

Revue TVA, 1992, n° 101/11/92, pp. 1001-1037.

8. Notion de capital investi au sens de l’article 1er, 4° l’AR n° 30

Cette notion est importante en ce qui concerne la livraison taxable d’un bâtiment neuf et du terrain y attenant visé à l’article 1er, § 9 CTVA, à une entreprise spécialisée dans la location-financement d’immeubles, aussi appelée leasing immobilier, afin que ce dernier consente une location-financement d’immeubles au sens de l’article 44, § 3, 2°, b) CTVA.

En d’autres termes est visée l’acquisition avec TVA du bâtiment et du sol y attenant par le donneur en leasing, selon les indications détaillées du futur preneur et pour être utilisés par celui-ci dans l’exercice de son activité d’assujetti.

Dans ce cas, le prix d’achat hors TVA du terrain attenant au sens de l’article 1er, § 9 CTVA (ou le prix hors TVA payé pour obtenir le droit réel afférent au terrain attenant) fait partie du ‘capital investi’ au sens de l’article 1er, 4° l’AR n° 30.

Les frais accessoires que le donneur en leasing a exposés en son nom et pour son compte et qui sont directement liés à l’acquisition du terrain attenant (ou à l’obtention du droit réel afférent au terrain attenant) ne font par contre pas partie dudit ‘capital investi’, pour autant qu’il s’agisse de frais qui ne sont pas grevés de TVA1.

1

Q. écr. n° 5-2170 de M. Tommelein du 21 avril 2011.

9. Constitution d’un droit de superficie avec soulte

Un promoteur immobilier s’était vu constitué un droit de superficie sur un terrain à charge pour lui de bâtir des appartements et de verser une soulte.

Quelle est la base d’imposition de cet échange avec soulte?

Le fait de s’acquitter d’une contrepartie partiellement en nature avant que la prestation ne soit parfaite empêche-t-il l’exigibilité subsidiaire de la TVA (paiement avant le fait générateur)?

Notons bien entendu que les faits concernent la législation applicable avant le 1er janvier 2016.

En cas d’échange et, plus généralement, lorsque la contrepartie est une prestation qui ne consiste pas uniquement en une somme d’argent, cette prestation est, pour le calcul de la taxe, comptée à sa valeur normale.

La valeur normale est représentée par le prix pouvant être obtenu à l’intérieur du pays pour chacune des prestations, au moment où la taxe devient exigible, dans des conditions de pleine concurrence entre un fournisseur et un preneur indépendants, se trouvant au même stade de commercialisation (article 32 CTVA).

La Cour d’appel de Gand (arrêt du 14 mai 2013) avait déterminé la valeur normale du droit de superficie constitué comme étant la différence entre le prix de vente des nouveaux appartements (propriété du promoteur) obtenu lors de phases de commercialisation ultérieures et les frais de constructions de parties privatives.

La Cour de Cassation considère que cette manière de déterminer la valeur normale viole l’article 32 CTVA. Elle ne correspond pas à la valeur de marché du droit de superficie1.

1

Cass., 2 septembre 2016, role n° F.14.0027.N.

10. Fourniture de points d’enchères pour participer à une enchère dans laquelle le prix des points d’enchères peut être déduit des achats

La CJUE a eu à traiter un cas relatif à l’émission de « crédits » permettant d’enchérir lors de ventes aux enchères en ligne1.

Le droit reconnu aux utilisateurs ayant acquis ces « crédits » de participer aux ventes aux enchères organisées sur un site en ligne constitue en soi une prestation de services à part entière qui ne saurait se confondre avec la livraison de biens susceptible d’intervenir à l’issue desdites ventes.

La contrepartie de cette prestation est le montant versé en échange desdits « crédits ».

Par conséquent, la valeur de ces « crédits » ne saurait faire partie de la base d’imposition au titre de la livraison des biens.

1

CJUE, arrêt Marcandi Ltd, affaire C-544/16, 5 juillet 2018.