Impôt des sociétés : réductions de valeur

Que sont les réductions de valeur?

Impôt des sociétés : réductions de valeur

Comptablement

Généralités

Les réductions de valeur sont des abattements apportés à la valeur d’éléments d’actifs non susceptibles d’amortissement. Elles ont pour but de tenir compte de la dépréciation, définitive ou non, de ces actifs à la date de clôture de l’exercice. Elles sont donc déduites des postes de l’actif auxquels elles se rapportent.

Les dépréciations peuvent résulter de pertes nées avant la clôture des comptes, mais qui ne sont connues qu’après cette clôture, et avant l’approbation des comptes.

Moment de comptabilisation

Ces réductions doivent en principe être opérées lors de la clôture de l’exercice, pour toutes les pertes éventuelles qui ont pris naissance non seulement au cours de l’exercice, mais aussi au cours d’exercices antérieurs, et qui subsistent à la fin de cet exercice.

Il est cependant aussi possible de le faire en cours d’exercice comptable, pour autant que les circonstances subsistent en fin d’exercice (Com. IR 48/4).

Fiscalement

Sur le plan fiscal, la règle générale est qu’elles peuvent être déduites du bénéfice imposable, en tant que pertes professionnelles, lorsqu’elles sont certaines, liquides et définitives. Les réductions de valeur comptables non admises fiscalement sont taxables en tant que réserves occultes.

Il existe cependant certains cas particuliers dérogeant à cette règle. Il s’agit des :

·         réductions sur actions ou parts ;

·         réductions sur créances douteuses.

Le montant de la réduction n’est pas limité en fonction des bénéfices ou de quelque autre élément (Com. IR 48/18). Il doit être estimé de manière prudente, sincère, et de bonne foi.

A.                                         Règle générale

Déductibilité

Les éléments d’actifs non susceptibles d’amortissement sont, en principe, les stocks, les terrains, les œuvres d’arts, les valeurs de portefeuille et les créances. Les réductions de valeur actées sur ces éléments, en conformité avec la législation comptable, sont déductibles fiscalement à condition qu’il soit prouvé qu’elles correspondent à une perte certaine, liquide et définitive (Cass., 15.05.1987).

La base légale de cette déductibilité serait l’article 24 CIR (Cass., 28.01.1982). Une partie de la doctrine préfère toutefois invoquer l’article 49 CIR.

Un abandon de créance est susceptible d’être requalifié en avantage anormal ou bénévole.

Le caractère certain, liquide et définitif d’une perte doit être prouvé par le contribuable, au moyen d’éléments de fait existant à la fin l’exercice comptable au cours duquel les réductions sont actées (Com. IR 24/116 et 118).

Stocks

Généralités

Les réductions de valeur sur stocks ne sont déductibles que si elles concernent des éléments avariés ou défraîchis, endommagés, démodés ou déclassés, pour lesquels il n’est pas possible de tenir compte de la valeur de marché, du prix de vente ou du prix prévu au contrat. Elles sont déductibles dans la mesure où elles n’en font pas descendre la valeur sous le prix que l’on en obtiendrait s’ils étaient réalisés massivement (Com. IR 24/110).

Des réductions sur les matières premières et les produits finis dont les prix sont sujets à de brusques et importantes fluctuations sur les marchés mondiaux peuvent également être admises si elles font l’objet d’une estimation raisonnable et ne résultent pas d’une intention d’éluder l’impôt ou d’en retarder l’exigibilité (Com. IR 24/111).

Par réalisation massive, on entend la cession de l’ensemble du stock, p.ex. à une firme concurrente (Com. IR 24/110).

La réduction de valeur doit être justifiée sur la base d’un inventaire régulier, établissant la perte réelle à la date du bilan (Anvers, 19.12.2017).

Si les stocks ont été détruits, donnés ou vendus à un revendeur, le contribuable doit réunir suffisamment d’éléments justificatifs convaincants pour éviter que l’on considère que les marchandises ont été revendues au marché noir.

Si les biens ont été donnés à une ASBL, mieux vaut établir une facture de 1 €, avec le détail des marchandises.

En cas de destruction, il est conseillé d’inviter les chefs de service des bureaux de contrôle compétents pour la TVA et les contributions directes. L’invitation peut déjà contenir un détail des biens qui seront détruits. On peut aussi prendre des photos ou filmer la destruction.

Lorsque des biens invendables sont donnés à une banque alimentaire, celle-ci doit établir une attestation qui évitera au contribuable tout problème avec l’administration fiscale.

Terrains

Des réductions de valeur déductibles peuvent en principe être actées sur les terrains qui sont des actifs immobilisés.

En cas d’achat d’un terrain déjà bâti, sans stipulation d’une valeur distincte pour le terrain, celle-ci peut être déterminée de commun accord entre le redevable et l’administration (Com. IR 61/80). Si ce n’est pas le cas, l’administration peut se baser sur des points de comparaison relevés par le receveur de l’enregistrement, mais elle doit tenir compte des données fournies par le contribuable lorsqu’elles sont suffisamment étayées et qu’elles paraissent raisonnables (Com. IR 61/81).

Par exception, les terrains dits « d’extraction » (mines, carrières, etc.) sont amortissables.

Les réductions de valeur sur les frais d’acquisition d’un terrain sont déductibles au titre de frais professionnels, même en l’absence de preuves de la dépréciation effective du terrain (Cass., 22.06.2000). L’année de déduction est obligatoirement celle de l’achat (Liège, 01.06.2011).

En cas de pollution, la valeur d’un terrain peut éventuellement être réduite à zéro (Bruxelles, 22.09.2005).

Œuvres d’art

Des réductions de valeur déductibles peuvent être actées sur les œuvres d’art qui sont des actifs immobilisés. Cependant, celles qui font partie intégrante des locaux où ils se trouvent sont susceptibles d’être amorties (Com. IR 61/58).

Valeur de portefeuille

Les actions et parts ne sont pas visées, car elles font l’objet d’un régime particulier.

Créances

Caractère certain, liquide et définitif

Il peut notamment être établi :

·         par la preuve des démarches entreprises par le contribuable en vue du recouvrement de sa créance (Anvers, 22.02.2005), comme des lettres de l’huissier chargé de la saisie, du conseil du débiteur et du notaire en charge de la vente de ses biens immobiliers (Gand, 06.10.2004);

·         lorsque le débiteur, sans mobilier digne de ce nom, a été expulsé de son immeuble, radié du registre du commerce, et a disparu (Liège, 26.04.2000) ;

·         lorsque le débiteur a quitté le pays, a été radié des registres de la population et est introuvable (Bruxelles, 23.04.1999).

Ce caractère n’est cependant pas suffisamment établi :

·         par une simple déclaration du conseil du contribuable (Anvers, 22.02.2005) ;

·         par le fait que la facture soit protestée et non payée dans les délais (Gand, 12.01.2010) ;

·         par le fait qu’un jugement ait été pris contre le débiteur et que la procédure de recouvrement n’ait pas encore permis de récupérer la créance (Mons, 29.05.1998) ;

·         lorsque la perte est déterminée sur la base de données statistiques (Anvers, 15.01.2008).

Créances garanties :

·         la perte subie en matière de créances sur l’étranger doit éventuellement être diminuée de l’intervention de l’Office de Ducroire (Com. IR 24/119) ;

·         la perte couverte par une assurance-crédit ne devient définitive qu’au moment du règlement du dommage par l’assureur, et à concurrence du montant non indemnisé (Cass., 05.05.1995).

Le montant de la TVA comprise dans une créance dont la perte est certaine et liquide ne peut pas être considéré comme perdu car il peut être réclamé au Trésor dès que la créance est perdue définitivement, en totalité ou en partie (art. 77, §1, 7° CTVA).

Un abandon de créance sous condition résolutoire de retour à meilleure fortune est en principe considéré comme définitif (Gand, 27.11.2012), même si une partie de la jurisprudence le conteste (Gand, 12.04.2005).

Faillite

La déduction est acceptée dès qu’il existe une certitude raisonnable et suffisante qu’aucun paiement ne pourra plus être exécuté (Gand, 06.10.2004), par exemple :

·         lorsque, le créancier ayant proposé d’abandonner sa créance, le curateur fait disparaître la créance des comptes de la société en faillite (Bruxelles, 21.04.1999) ;

·         lorsqu’une communication de la banque du débiteur, un refus de paiement d’un crédit documentaire par cette même banque, le début d’une enquête commerciale par le tribunal de commerce et une déclaration du curateur le prouvent (Gand, 21.01.2003) ;

·         sur la base d’une attestation générale du curateur, indiquant que les créances des créanciers chirographaires ne seront pas (intégralement) payées (Mons, 28.06.1984).

L’administration peut toutefois exiger la clôture de la liquidation (Com. IR 48/10) ou la production d’une attestation délivrée par le curateur et établissant la perte totale d’une créance clairement déterminée (Ci.RH. 242/367.003, 30.08.1985).

L’absence de déclaration de créance lors d’une faillite ne constitue pas un abandon volontaire de créance, et n’implique donc pas une disparition de la dette et la perte de la déductibilité, lorsqu’il est certain que la curatelle ne versera aucun remboursement (Gand, 11.02.1993).

B. Cas particuliers

1. Réductions sur actions ou parts (art. 198, 7° CIR)

 

Principe

Les réductions de valeur sur actions ou parts ne sont pas déductibles. Il n’y a, sur ce point, pas de distinction entre les actions sur lesquelles une éventuelle plus-value pourrait bénéficier de l’exonération RDT et les autres actions (CC, 20.10.2009). Les réductions doivent être reprises en DNA si elles correspondent à une dépréciation réelle, et en réserve occulte dans le cas contraire (QP n° 772, 23.10.1992).

Ne sont pas visés (et peuvent faire l’objet d’une réduction), les droits de souscription, les warrants, les obligations convertibles, les options sur actions et les certificats de fonds communs de placement (Com. IR 195/66).

Les réductions actées lors d’un exercice comptable clôturé avant le 24 juillet 1991 pouvaient bénéficier d’une exonération (L. 23.10.1991) (S 1670).

Exception

Les réductions de valeur effectuées par les sociétés de « trading » sont déductibles, au même titre que les moins-values réalisées par ces mêmes établisse­ments.

2. Créances douteuses (art. 48 CIR et 22-27 AR/CIR)

Les réductions de valeur correspondant à des pertes sur créances commerciales qui ne sont que probables (par opposition à certaines et liquides) peuvent bénéficier d’une exonération temporaire, si elles respectent certaines conditions au moment de la clôture des comptes de l’exercice.

Les créances visées par un plan de réorganisation ou un accord amiable judiciaire pour entreprises en difficulté bénéficient de l’exonération temporaire jusqu’à l’exécution intégrale du plan ou de l’accord amiable, ou jusqu’à la clôture de la procédure (art. 48, al. 2 CIR), suite à quoi les réductions consenties sur ces créances deviennent des pertes certaines, liquides et définitives (S 5050).

a. Conditions

Nature professionnelle

Il faut que les pertes auxquelles les réductions sur créances sont destinées à faire face soient nettement circonscrites quant à leur nature, et que cette nature soit professionnelle ; ce qui signifie qu’elles doivent résulter d’opérations entrant normalement dans le champ de l’activité professionnelle du contribuable (Com. IR 48/3).

Une perte sur créance par inflation n’est pas une perte professionnelle, et n’est donc pas exonérable (Cass., 19.02.1981).

Probabilité

La « probabilité » désigne aussi bien la probabilité du fait générateur que l’importance du montant de la perte (QP n° 1543, Van der Maelen, 24.01.2007).

Fait générateur : Il faut que les pertes soient rendues probables par les évènements en cours ; ce qui s’apprécie selon les circonstances de fait (Liège, 24.12.1999). Un fait probable est un fait qui va vraisemblablement sinon quasi certainement se réaliser au cours d’une période ultérieure (Trib. Namur, 07.02.2007).

La notion de fait « probable » se situe entre celle de « possible, sans être probable » (Anvers, 18.12.2001) et celle de « certain » (Liège, 24.12.1999).

Le caractère probable d’une perte peut être établi :

·         pour une perte en monnaie étrangère, lorsque sa probabilité est suffisamment attestée par les milieux financiers (Liège, 29.06.1983) ;

·         par des documents prouvant la mauvaise situation financière de la société débitrice (Gand, 16.02.2010).

Le caractère probable d’une perte n’est pas (suffisamment) établi :

·         lorsque le débiteur s’est acquitté de pratiquement tous ses termes de remboursement (Liège, 02.05.2003) ;

·         par le fait que la facture soit contestée et non payée dans les délais (Gand, 12.01.2010).

Dans le cadre de la crise du coronavirus, l’administration fiscale a publié une circulaire confirmant le fait que la crise constitue une circonstance exceptionnelle, et qu’elle justifie l’exonération des réductions de valeur sur les créances commerciales des entreprises en retard de paiement, lorsque cette situation résulte, directement ou indirectement, des mesures gouvernementales (circ. 2020/C/45, 23.03/2020).

Montant : les pertes doivent être décrites avec précision, ce qui signifie qu’il faut qu’elles correspondent à un montant évaluable approximativement (Liège, 24.12.1999). Un pourcentage fixe du chiffre d’affaires ou un montant correspondant au total des factures échues et non encore payées ne peut jamais être exonéré (Cass., 22.04.2010).

Lien avec la période imposable actuelle

Il faut que les circonstances qui rendent le fait générateur probable soient survenues au cours de la période imposable pour laquelle la réduction est comptabilisée et subsistent à l’expiration de celle-ci. Une réduction qui n’est pas actée au cours de cette période ne sera pas exonérée (art. 22, §1, 2° AR/CIR).

Une réduction dont le fait générateur survient entre la clôture d’un exercice et la date de clôture des comptes relatifs à cet exercice, et qui doit être comptabilisée dans cet exercice, ne pourra donc pas bénéficier d’une exonération.

Comptabilisation et justification

Pour pouvoir bénéficier de l’exonération, les réduc­tions de valeur doivent :

·         être comptabilisées, à un ou plusieurs comptes distincts, à la clôture des comptes annuels de l’exercice comptable au cours duquel les pertes auxquelles elles sont destinées à faire face sont nées. Celles qui ne sont pas comptabilisées à ce moment-là ne pourront plus, par la suite, prétendre à l’exonération (art. 22, 3° AR/CIR) ;

·         être justifiées dans un relevé 204.3 (art. 22, 4° AR/CIR).

La condition de comptabilisation à un compte distinct implique l’utilisation d’un ou plusieurs comptes distincts réservés exclusivement à l’inscription de toutes les opérations relatives aux réductions de valeur exclues des bénéfices de l’exercice comptable et dont le solde créditeur à la clôture de l’exercice comptable correspond exactement au relevé 204.3 (Com. IR 48/5).

Les sociétés qui tiennent une comptabilité simplifiée doivent reprendre les réductions de valeur dans un poste distinct de l’inventaire annuel de leurs obligations vis-à-vis des tiers (circ. 2019/C/79, 29.08.2019).

Le relevé 204.3 est également dénommé « relevé des provisions pour pertes et charges probables ». Ce relevé doit être remis dans le délai prescrit pour le dépôt de la déclaration aux impôts sur les revenus de la période imposable et annexé à cette déclaration (art. 22, 4° et 24, 2° AR/CIR).

L’absence de relevé 204.3 dans la déclaration ne peut toutefois justifier un refus d’exonération (Trib. Bruges, 09.05.2006). Il est donc possible d’encore introduire ce relevé à un stade ultérieur de la procédure, lorsqu’il apparaît que des réductions de valeur peuvent être exonérées, ou de remplacer un relevé précédemment introduit (Com. IR 48/6).

b. Durée de l’exonération

L’exonération est maintenue lors des exercices ultérieurs tant que le contribuable peut justifier du respect des conditions prévues au moment de la clôture de ces exercices (art. 27 AR/CIR).

Elle prend fin lorsque les conditions ne sont plus remplies :

·         soit la réduction devient alors une réserve taxable, pour la période durant laquelle il a été constaté que les conditions n’étaient plus remplies et à concurrence de son montant tel qu’il existait à la fin de cette période (QP n° 935, Pieters, 26.02.2002, Bull. 843) ;

·         soit la perte devient définitivement déductible en tant que perte professionnelle, lorsqu’elle acquiert un caractère certain et liquide et lorsqu’elle est comptabilisée comme telle (S 5050). Elle est alors imputée sur la réduction, et cette dernière prend fin (art. 23 AR/CIR). Si le contribuable ne procède pas lui-même à pareille imputation, la réduction exonérée antérieurement devient sans objet et est considérée comme un bénéfice imposable de l’exercice comptable au cours duquel la perte devient admissible (Com. IR 48/12).

Exemple

Pendant l’exercice comptable N, une société dont les exercices comptables corres­pondent aux années civiles a comptabilisé une réduction de valeur sur une créance commerciale de 100 000 €. Elle estime sa perte probable à 10 %, soit 10 000 €. Son estimation est suffisamment étayée par les faits. Ces réductions de valeur sont comptabilisées au crédit du compte « Réductions de valeur actées sur créances ». Pour l’exercice d’imposition N+1, 10 000 € seront exonérés.

En N+1, la créance est finalement recouvrée (de manière définitive) à hauteur de 88 000 €. La perte définitive (12 000 €) est alors imputée à concurrence de 10 000 € sur la réduction de valeur exonérée et à concurrence de 2 000 € sur les bénéfices de l’exercice comptable N+1.

Si elle avait été recouvrée à hauteur de 92 000 €, la perte aurait été imputée à hauteur de 8 000 € sur la provision, et les 2 000 € restants auraient été ajoutés au bénéfice de l’exercice N+1.